Dans le cadre de la saison culturelle de l’UCLouvain sur le thème du corps, Arte-Fac et UCLouvain Culture ont lancé un concours photos afin d’inviter les membres de la communauté universitaire à explorer leur corps par l’image. A l’issue du concours, un jury a sélectionné les photographies coup de cœur pour les réunir dans une exposition. Rencontre avec Bernard Caelen, un des lauréats du concours avec sa photo « Les stigmates de la beauté ».
- Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis un jeune sexagénaire. Je suis prosecteur à l’Unité d’Anatomie humaine de la Faculté de Médecine sur le site de l’UCLouvain Bruxelles à Woluwe-Saint-Lambert.
- Quel est votre rapport à la photographie ?
La photographie a été une passion durant 10 ans et un moyen d’expression par défaut, car je n’ai pas d’autre talent particulier, sinon peut-être l’écriture. Ne sachant ni peindre, ni dessiner, ni sculpter, la photographie m’a semblé un art accessible et rapide. En quelques clics, mes photos étaient publiées sur Internet, accessibles à tous les regards.
Mon pseudonyme photographique était Irving S. T. Garp en référence à l’écrivain américain John Irving et son roman « Le Monde selon Garp ». Il arrive dans les livres de John Irving les pires catastrophes au milieu d’une phrase où on ne les attend pas, dans une banale scène de la vie quotidienne. J’essayais, modestement, de reproduire ce style en photographie. J’ajoutais un élément décalé, absurde, original… à des scènes de la vie quotidienne. Je travaillais un peu comme un caricaturiste. Je forçais les traits de la vie.
J’ai malheureusement été contraint d’arrêter la photographie il y a quelques années. D’une part, pour des raisons personnelles. Durant 2 ans, j’ai été victime de harcèlement moral. J’ai été harcelé, insulté, menacé, agressé verbalement et physiquement. Je garde de ces 2 années en enfer des séquelles. Je souffre de brouillard cérébral et j’ai perdu cette facilité de création. Je souffre aussi d’anxiété sociale, car j’ai été profondément dégoûté par la nature humaine au point de ne plus vouloir la mettre en scène.
D’autre part, la mentalité de notre société a fortement dégénéré. Lors de mes premières expositions, tous les visiteurs (ou presque) comprenaient que mes photos étaient une caricature de la société et que mes mises en scène dénonçaient ses travers. Si toutes mes photographies étaient en couleurs, je les saupoudrais souvent d’une pointe d’humour dont la palette allait du gris clair au noir charbonneux. Les visiteurs comprenaient que cette pointe d’humour était à prendre au 2e, voire au 3e degré. Cela interpellait chacun, provoquait des échanges intéressants, des débats pertinents. Hélas, au fils des ans, de plus en plus de visiteurs prenaient tout au 1er degré et ne prenaient plus le temps de la réflexion.
Nous vivons aujourd’hui dans une société bien triste, hypocrite et aseptisée.
- Vous êtes un des lauréats de notre concours photo « Ceci est mon corps”, organisé en collaboration avec UCLouvain Culture, sur le thème du corps. Félicitations ! Pouvez-vous nous décrire la photographie que vous nous avez envoyée ?
Je ne décris jamais mes photographies ni n’explique le message que j’ai voulu faire passer au travers d’elles. Le titre en est un indice, mais je laisse chacun interpréter mon travail selon son vécu, ses expériences, ses croyances, son humeur, ses émotions… Quand vous allez au cinéma, il est rare que le réalisateur vous attende à la sortie de la salle pour vous expliquer son film.
- La thématique du concours photo était celle du corps. Qu‘est-ce que cette thématique vous évoque ?
Tous les artistes, quelle que soit leur discipline, ont toujours représenté le corps. Il est une source inépuisable d’inspiration depuis des siècles. Il est pourtant devenu aujourd’hui un sujet presque tabou. Il suffit, pour s’en convaincre, d’essayer de braver la censure sur les réseaux sociaux. Le corps a été le sujet de plusieurs de mes photographies. J’ai toujours essayé de le représenter de la façon la plus naturelle, honnête (et originale ?) possible. Mes modèles étaient « Monsieur et Madame Tout-le-Monde ». Fondamentalement en marge des poncifs imposés par l’imagerie de la mode et de la publicité qui promeut une sensualité standardisée, j’aimais mettre en scène les anonymes et les laissés-pourcompte du bon goût académique.
- « Les stigmates de la beauté » est le titre de l’oeuvre. Est-ce que cette photographie a une signification particulière à vos yeux ? S‘insère-t-elle dans une série plus large ?
« Les Stigmates de la beauté » fait partie de ma première série « Le Corps décortiqué » (20 photos) qui était une autopsie photographique des parties du corps humain (le bras, le coeur, le cordon ombilical, le front, le pouce…). Tous les modèles étaient des étudiants ou des employés de l’UCLouvain, ou des personnes apparentées à celles-ci.
« Les Stigmates de la beauté » mettait en scène la peau. La série a bénéficié d’un fonds de développement culturel de la part de l’UCLouvain et a été exposée et récompensée de nombreuses fois.
- Est-ce que vous avez une page instagram ou facebook ou un site web avec vos photos qu‘on pourrait partager pour celleux qui seraient intéressé.e.s de découvrir un peu plus votre univers ?
De mon passé photographique ne subsiste aujourd’hui que mon site : https://irvingstgarp.wixsite.com/pictures.
Et si vous faites une recherche sur Google avec mon pseudonyme « Irving S. T. Garp », vous pourrez découvrir de nombreux articles. Mon compte Instagram (irvingstgarp) n’est aujourd’hui plus consacré qu’à ma nouvelle passion, le powerlifiting. Je suis champion de Belgique dans ma catégorie. Mon compte Facebook (irvingstgarp) est réservé à des « billets d’humeur ».