Dans le cadre de la Biennale WAW ! et des Nocturnes des Musées bruxellois, Caroline Le Méhauté proposera une exploration artistique et militante des Jardins des Plantes et des Sculptures, à travers un atelier de création de bombes de graines. A cette occasion, Arte-Fac est parti à sa rencontre afin d’en apprendre plus sur sa démarche et sur l’atelier qu’elle propose.
- Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Je suis artiste plasticienne. Née en 1982 à Toulouse, je vis et travaille actuellement à Bruxelles. Après une maîtrise en Arts plastiques et une spécialisation en Sémiotique de l’Art à l’Université Toulouse Jean Jaurès, j’ai poursuivi mon cursus à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Marseille d’où je suis sortie diplômée en 2007. Mon travail est exposé en Europe comme à l’international.
- Comment décririez-vous votre pratique artistique ?
Empreintes des lois de la nature, les formes poétiques que j’engage interrogent intimement notre rapport au monde, à travers une réflexion sur la matière, l’espace et le temps. Partant d’éléments du terrestre et de l’Espace, mes sculptures, et installations, de même que ma pratique sonore, proposent un élargissement du regard.
Comment se situer ? Comment se positionner ? Comment prendre place ? Telles sont les questions développées dans mes créations. Lesquelles mettent en perspective l’impact que nos interrogations intimes et universelles peuvent avoir sur nous, notre rapport à l’autre, à la société, au monde.
- Votre démarche s’inscrit au croisement de l’art, des sciences et de l’engagement social et environnemental. Comment les trois dimensions s’entrecroisent dans vos œuvres ? Est-ce que ça a toujours été le cas ?
J’ai toujours porté un intérêt, un regard, un questionnement aux différents rapports de l’Homme au Vivant. Celui-ci s’est accentué, précisé au fil du temps et de mes recherches. Lier art, science, engagement social et environnemental est tout aussi naturel que challengeant. J’acte aujourd’hui un engagement pour l’environnement avec [Tellus Project], un projet polymorphe et performatif de régénération et de dépollution des sols par les plantes.
- Le 2 mai, vous animerez un atelier créatif de bombes de graines. En quoi consiste la création de bombe de graines ?
‘’Les bombes de graines’’ sont un mélange de terre végétale et d’argile. On malaxe la matière pour en obtenir une petite sphère, puis on réalise un trou dans lequel on va déposer des graines. Ce n’est pas n’importe quelles graines. Je les ai choisies en fonction de leurs capacités à absorber les polluants et à les digérer pour certaines, et pour d’autres comme engrais verts et plantes mellifères.
- Comment la créativité intervient-elle dans un tel atelier ?
Ces ateliers s’apparentent à une sorte de performance collective. Nous fabriquons ensemble, puis chacun pourra déposer les ‘’bombes de graines’’ où il le souhaite. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus en détails ce qu’est la phytoremédiation ?
D’après le service scientifique de la Commission européenne, 75 % des sols de notre planète sont aujourd’hui pollués. Métaux lourds, acides, polluants chimiques, biologiques, phytosanitaires et hydrocarbures sont présents dans le sol par les multiples activités humaines. Il est donc devenu indispensable de modifier nos manières de faire et de consommer, mais également de chercher à restaurer les sols dégradés.
Une méthode douce permet de participer à remédier à cette pollution, c’est ce qu’on appelle la phytoremédiation. Elle consiste en l’absorption des polluants contenus dans les sols par des plantes hyperaccumulatrices, capables de filtrer et de dégrader une partie des polluants. Ce processus de dégradation des polluants est possible, grâce au métabolisme de ces plantes et à la qualité de leurs enzymes. Dans le cas de la phytoremédiation des hydrocarbures, on parlera de phytodégradation.
Dans le cas de l’extraction des métaux lourds par les plantes, appelée la phytoextraction, les plantes doivent être arrachées une fois arrivées à maturité. Car elles enferment dans leurs racines et leurs feuilles les métaux lourds, mais ne peuvent pas les dégrader. Ces plantes doivent alors être revalorisées, soit dans un méthaniseur pour la production de biogazs, soit par des laboratoires spécialisés capables de récupérer les métaux lourds contenus dans la plante pour une revalorisation industrielle. Au-delà d’améliorer la qualité des sols, la phytoremédiation améliore la qualité de l’air, attire les pollinisateurs et favorise la biodiversité. Lors d’une revalorisation industrielle des métaux lourds (agrominage), c’est l’impact écocidaire des mines traditionnelles qui est réduit.
- À quoi peut s’attendre une personne s’inscrivant à l’atelier de création de création de bombes de graines ?
À apprendre des éléments capitaux sur l’importance du sol dans la chaîne du vivant. À agir de manière collective pour participer à la dépollution et l’amélioration de la qualité des sols. À un beau moment de partage, constructif et insurrectionnel.