Dans le cadre de la saison culturelle de l’UCLouvain sur le thème du corps, Arte-Fac et UCLouvain Culture ont lancé un concours photos afin d’inviter les membres de la communauté universitaire à explorer leur corps par l’image. A l’issue du concours, un jury a sélectionné les photographies coup de cœur pour les réunir dans une exposition. Rencontre avec Eliès, qui a remporté le premier prix du concours avec sa photo « J-1 ».
- Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Eliès. J’ai 22 ans. Je suis en Master 2 en latin-français, à finalité didactique. Cela fait 4 ans que j’étudie sur le campus à Louvain-la-Neuve.
- Quel est votre rapport à la photographie ?
De base, je ne m’y connaissais pas. En me mettant avec ma compagne il y a quatre ans, qui était passionnée de photographie, j’ai commencé à m’y intéresser. Récemment, je m’y suis essayé de façon plus régulière. La photographie est pour moi un moyen d’exprimer et de symboliser les étapes de ma transition. C’est une façon de me réapproprier mon corps. Mais jusqu’à présent, je n’ai réalisé qu’une série d’autoportraits que je n’avais à la base par pour vocation de publier. Quand j’ai vu la thématique du concours qui était lié au corps, cela a fait sens pour moi et j’ai décidé de partager une des photos.
- Vous êtes le grand gagnant de notre concours photo “Ceci est mon corps”, organisé en collaboration avec UCLouvain Culture, sur le thème du corps. Félicitations ! Pouvez-vous nous décrire la photographie que vous nous avez envoyée ?
L’image est en noir et blanc et au format paysage. Tout a été fait pour mettre en avant mon torse et la symbolique autour.
L’élément le plus important dans la photo est l’ambivalence, les contraires qui s’opposent. D’une part, il y a la partie obscure, plutôt négative. Ainsi, j’ai volontairement enlevé mon visage du cadre pour séparer mon identité du corps qui est représenté. J’ai également cherché à exprimer une ambivalence quant à la perception de ma poitrine. Le sein qui devrait être visible dans la lumière est dissimulé par ma main, tandis que celui dans l’ombre est partiellement visible et attire l’attention. Cela reflète ma volonté, souvent vaine, de les dissimuler car ils sont présents malgré moi. J’ai également placé ma main de manière à créer des ombres, comme des barreaux de prison car je me sentais comme prisonnier de mon corps.
D’un autre côté, il y a une douceur qui se dégage de la photo, représenté par la lumière. Cela montre ma volonté d’accepter ce corps avant de réaliser le changement.
- Le jury a été fort touché par la composition de l’image, la sensibilité qui s’en dégageait mais aussi son côté mystérieux. Quel rapport entretenez-vous avec votre corps ou celui des autres ? Qu’est-ce que la thématique du corps évoque chez vous ?
Maintenant, le jour-J, je me sens beaucoup mieux. J’ai maintenant pu me réapproprier mon corps et me sentir bien dans ma peau, en accord avec mon identité profonde.
Je pense que tous les corps sont beaux et que chacun devrait pouvoir jouir de son propre corps. On a de la chance à l’heure actuelle d’assister à l’émergence du mouvement body positive qui nous encourage à nous aimer et à aimer nos différences.
- “J-1” est le titre de l’œuvre, un titre aux multiples sens possibles. Quels sont les vôtres, si vous êtes d’accord de les partager avec nous ? Est-ce que l’image a une signification particulière à vos yeux ?
“J-1” sert à symboliser une certaine temporalité. Il y a un avant et un après, et le titre permet de placer la photographie dans cette temporalité de l’avant, tout en lui accordant une importance particulière. On pense généralement à l’après, qui est évidemment le plus important, mais j’avais envie, avec cette photo de symboliser également cet avant, de souligner son existence, rendant ainsi l’après encore plus significatif et beau et marquant une étape significative pour moi, me sentir enfin bien dans mon corps.