Le 25 janvier 2024
La conférence-spectacle “Le cerveau musicien”, programmée au Wolubilis le lundi 11 mars, inaugurera la Semaine du Cerveau organisée sur le campus de l’UCLouvain à Woluwe du 11 au 15 mars 2024. A cette occasion, nous avons rencontré Isabelle Dumont (comédienne et dramaturge) et Jean-Luc Fafchamps (compositeur, pianiste et professeur d’analyse musicale) lors d’un échange passionnant afin d’en apprendre plus sur leur spectacle.
- Pouvez-vous présenter votre conférence-concert “Le cerveau musicien” ?
Isabelle : “Le cerveau musicien” est un projet qui remonte à 2018.
Jean-Luc : Avant la pandémie, un temps que la plupart des gens ont oublié.
Isabelle : Je suis venue voir Jean-Luc avec cette proposition de travailler sur le cerveau et la musique parce que j’avais lu un livre d’Emmanuel Bigand, un des nombreux chercheurs dans le domaine aujourd’hui. C’était le seul, parmi tous les ouvrages que j’avais lus sur le sujet, qui consacrait un chapitre à l’effet des musiques contemporaines (c’est-à-dire les musiques “savantes” apparues à partir des années 1950) sur le cerveau. Des musiques qui ont vraiment bousculé les codes traditionnels de la musique classique. En tant que compositeur œuvrant dans ce domaine, Jean-Luc s’est montré intéressé par le sujet et a accepté de créer avec moi cette conférence-concert.
Jean-Luc : J’avais surtout envie de comprendre comment le cerveau peut s’adapter à des changements, ce qui est particulièrement précieux dans le domaine des musiques contemporaines. En fait, ce travail sur le cerveau et le rapport à la mémoire, que moi-même j’intègre dans ma musique depuis des années, me semblait passionnant. C’était le bon moment pour faire moi-même un point sur la question. Isabelle est venue me voir avec toute une série de références bibliographiques. Cette rencontre et ces réflexions ont d’ailleurs changé certains aspects de mon travail par la suite.
Isabelle : Notre conférence-concert présente un état des lieux des relations entre musique et cerveau. Tout ce que les recherches récentes ont pu montrer et mettre en évidence sur le pouvoir de la musique sur le cerveau. En même temps, la conférence propose des illustrations musicales à la fois entre nous et avec le public – pour que ce soit un partage de gai savoir.
Jean-Luc : Il y a le pouvoir de la musique sur le cerveau et il y a aussi l’intérêt du cerveau pour la musique. C’est-à-dire qu’on peut aussi faire de la musique qui n’est pas strictement divertissante. Il y a quelque chose qui se travaille, qui vient du désir du cerveau de jouer avec les sons comme il joue avec des tas d’autres choses.
- Isabelle, quel est le pouvoir de la musique sur le cerveau ou l’intérêt du cerveau pour la musique ?
Isabelle : Je ne vais pas spoiler le spectacle car c’est exactement ce qu’on va essayer d’expliquer ! Je dirai seulement que ce pouvoir est très important. C’est ce qui a mené les scientifiques à s’intéresser à la musique. Ils ont pu voir, grâce aux moyens qu’on a aujourd’hui, notamment les techniques d’imagerie cérébrale, que l’écoute musicale, et surtout la pratique musicale, viennent activer beaucoup plus de zones du cerveau que ce qu’ils pensaient. La musique mobilise à la fois tout ce qui est moteur sensoriel et émotionnel, ce qui est lié au rythme, à la mémoire, à l’analyse, à la prévision, à l’imaginaire,… C’est cette découverte qui a boosté les recherches. On parle d’ailleurs maintenant de “symphonie neuronale” quand la musique se traduit dans le cerveau. J’essaye de le montrer à l’œuvre quand Jean-Luc joue !
- Jean-Luc, comment avez-vous imaginé l’accompagnement musical de la conférence ?
Jean-Luc : En tant que professeur d’analyse musicale, il y a pas mal de temps déjà que je me suis rendu compte qu’on traite la musique dans les cours d’analyse classique comme des architectures, c’est-à-dire comme des parcours dans lesquels on pourrait revenir en arrière. Mais, on se rend rapidement compte que ce n’est pas le cas. On avance toujours, puisque le temps passe. On ne peut pas revenir en arrière. Sauf que la mémoire a un pouvoir extraordinaire qui est de toujours mesurer la distance qui s’est produite entre là d’où on est parti et où on est arrivé. Dans un premier temps, je me suis servi de ce savoir-là car c’est une des interrogations des neurologues également. Et puis, en lisant et en discutant avec Isabelle, il y a des choses assez incroyables qu’on peut apprendre. J’ai écrit une pièce sur ce qui se passe dans notre cerveau quand il y de la musique et également quand il n’y en a pas. J’ai aussi travaillé sur la personnalité car la musique peut la changer. On a cherché toutes sortes d’exemples pour que la conférence soit aussi ludique.
- La Semaine du Cerveau à l’UCLouvain est basée sur le thème du cerveau et de la créativité. Avez-vous un cerveau créatif ?
Isabelle : Je n’ai pas envie de répondre à la question directement dans la mesure où tous les cerveaux sont équipés pour être créatifs. Cela aussi a été une surprise de découvrir la plasticité de cet organe et cela tout au long de la vie. Plus on le stimule, plus on le surprend, et plus il augmente ses connexions synaptiques. Il peut s’adapter à des situations nouvelles. Développer notre créativité ne dépend finalement que de la curiosité dont on fait preuve.
Jean-Luc : Pour ma part, je l’expérimente en musique. Mais ça ne fait pas si longtemps que je me suis rendu compte que, du moment que j’ai de la dopamine en suffisance, mon cerveau invente constamment des situations. Le seul truc, c’est qu’il faut être ouvert à ce que le cerveau invente. En réalité, maintenant, je laisse les choses advenir et je les saisis au vol. Mon cerveau est créatif, et moi je produis.
Isabelle : Quelle chance ! (rires)
- Un dernier mot pour les personnes qui hésiteraient encore à venir voir le spectacle le 11 mars ?
Isabelle : Il ne faut pas hésiter (rires).
Jean-Luc : Je pense que c’est un spectacle formidable, on nous l’a toujours dit (rires). Tous les gens qui sont venus nous voir nous ont dit que c’était drôle et intéressant. Et c’est la raison pour laquelle on continue.
Isabelle : C’est un spectacle accessible à tous les publics puisque nous-mêmes – on le rappelle – nous ne sommes pas du tout des spécialistes du cerveau. On a d’abord intégré ces matières complexes pour pouvoir ensuite les transmettre au public de la façon la plus créative justement, en éveillant la curiosité par rapport à ce sujet.